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А.С. Пушкин

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Пушкин — Пушкину Л. С., сентябрь (после 4) — октябрь (до 6) 1822.
12:19
Пушкин А. С. Письмо Пушкину Л. С., сентябрь (после 4) — октябрь (до 6) 1822 г. Из Кишинева в Петербург // Пушкин А. С. Полное собрание сочинений: В 10 т. — Л.: Наука. Ленингр. отд-ние, 1977—1979.

Т. 10. Письма. — 1979. — С. 40—41.

37. Л. С. ПУШКИНУ.

Сентябрь (после 4) — октябрь (до 6) 1822 г.

Из Кишинева в Петербург.


Vous êtes dans l’âge ou l’on doit songer à la carrière que l’on doit parcourir; je vous ai dit les raisons pourquoi l’état militaire ma parait préférable à tous les autres. En tout cas votre conduite va décider pour longtemps de votre réputation et peut-être de votre bonheur.

Vous aurez affaire aux hommes que vous ne connaissez pas encore. Commencez toujours par en penser tout le mal imaginable: vous n’en rabattrez pas de beaucoup. — Ne les jugez pas par votre coeur, que je crois noble et bon et qui de plus est encore jeune; méprisez les le plus poliment qu’il vous sera possible: c’est le moyen de se tenir en garde contre les petits prejugés et les petites passions qui vont vous froisser à votre entrée dans le monde.

Soyez froid avec tout le monde: la familiarité nuit toujours; mais surtout gardez-vous de vous y abandonner avec vos supérieurs, quelles que soient leurs avances. Ceux-ci vous dépassent bien vite et sont bien aises de vous avilir au moment où l’on s’y attend le moins.

Point de petits soins, défiez vous de la bienveillance dont vous pouvez être susceptible: les hommes ne la comprennent pas et la prennent volontiers pour de la bassesse, toujours charmés de juger des antres par eux-mêmes.

N’acceptez jamais de bienfaits. Un bienfait pour la plupart du temps est une perfidie. — Point de protection, car elle asservit et dégrade.

J’aurais voulu vous prémunir contre les séductions de l’amitié, mais je n’ai pas le courage de vous endurcir l’âme dans l’âge de ses plus douces illusions. Ce que j’ai à vous dire à l’égard des femmes serait parfaitement inutile. Je vous observerai seulement, que moins on aime une femme et plus on est sûr de l’avoir. Mais cette jouissance est digne d’un vieux sapajou du 18 siècle. A l’égard de celle que vous aimerez, je souhaite de tout mon coeur que vous l’ayez.

N’oubliez jamais l’offense volontaire; peu ou point de paroles et ne vengez jamais l’injure par l’injure.

Si l’état de votre fortune ou bien les circonstances ne vous permettent pas de briller, ne tâchez pas de pallier vos privations, affectez plutôt l’excès contraire: le cynisme dans son âpreté en impose à la frivolité de l’opinion, au lieu que les petites friponneries de la vanité nous rendent ridicules et méprisables.

N’empruntez jamais, souffrez plutôt la misère; croyez qu’elle n’est pas aussi terrible qu’on se la peint et surtout que la certitude ou l’on peut se voir d’être malhonnête ou d’être pris pour tel.

Les principes que je vous propose, je les dois à une douloureuse expérience. Puissiez-vous les adopter sans jamais y être contraint.

Ils peuvent vous sauver des Jours d’angoisse et de rage. Un jour vous entendrez ma confession; elle pourra coûter à ma vanité; mais ce n’est pas ce qui m’arrêterait lorsqu’il s’agit de l’intérêt de votre vie.

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